Pourquoi camoufler les signes de vieillesse ?

Si je vous dis le mot « vieux », « vieille » ou « aîné.e », quels mots et images vous viennent à l’esprit ?

Ne trouvez-vous pas que l’âge d’or perd de sa valeur dans notre société ? Et si on redonnait les lettres de noblesse à cette étape inévitable de la vie ?

C’est d’ailleurs le souhait de l’Organisation mondiale de la Santé qui a proclamé 2021-2030 comme étant la Décennie pour le vieillissement en bonne santé, dont l’objectif est que toutes les personnes âgées puissent réaliser leur potentiel et jouir d’un bien-être optimal dans des conditions de dignité et d’égalité.

Si je vous dis maintenant de penser à des personnes âgées inspirantes ou qui vous ont marquées de façon positive, qu’est-ce qui vous vient en tête ?

Le regard âgiste de la société

Pourquoi le vieillissement suscite-t-il aujourd’hui autant d’inquiétudes? Serait-ce parce qu’une seule et unique façon de vieillir est présentée dans les médias? Malades, inutiles, fragiles, confuses, vulnérables, non-attractives : les personnes âgées ont mauvaise presse!

Cette représentation homogène des personnes âgées, qui entretient des croyances, des préjugés et des stéréotypes basés sur l’âge, est l’une des formes de discrimination les plus tolérées dans notre société, comparativement au racisme ou au sexisme. C’est ce que l’on nomme l’âgisme.

Ces idées préconçues façonnent le regard que la société porte sur les personnes âgées et nous empêchent de les reconnaître dans toute leur diversité. Le corps âgé devient source de honte et de pitié en raison du culte de la jeunesse, de la beauté et de la performance qui nourrit notre perception négative du vieillissement dès l’enfance. À partir de 4 ans, les enfants prennent d’ailleurs conscience des stéréotypes liés à l’âge!

Au Canada, ce serait près de deux aîné.e.s sur trois qui seraient traité.e.s injustement ou différemment en raison de leur âge. Il n’est donc pas surprenant de voir plusieurs personnes tenter de camoufler les signes de l’âge qui apparaissent sur leur corps.

Ses conséquences sur la santé et l’image corporelle

L’âgisme contribue à l’exclusion sociale, à la diminution de la santé physique et mentale, du bien-être, de la qualité de vie, des fonctions cognitives et de la longévité, ainsi qu’à l’augmentation des symptômes dépressifs, du stress et du sentiment de dépendance des personnes âgées.

Les personnes qui ont une mauvaise perception d’elles-mêmes en vieillissant ont également tendance à adopter des comportements moins propices pour leur santé, comme suivre un régime ou abandonner un cours sportif par peur de retarder le groupe. La crainte du jugement ou la peur de recevoir des commentaires condescendants peut ainsi pousser les personnes âgées à s’isoler.

Bien qu’elles semblent accorder moins d’importance à leur apparence et adhérer à des modèles féminins plus voluptueux, les femmes âgées auraient un niveau d’insatisfaction corporelle comparable à celui des femmes plus jeunes. La présence de cheveux gris et l’abaissement du visage et du corps expliqueraient en partie leur sentiment d’invisibilité, de perte d’attractivité et de beauté.  Signe d’insatisfaction, le nombre de personnes âgées souffrant d’anorexie et de boulimie serait en augmentation depuis deux décennies.

Les manifestations omniprésentes de l’âgisme

L’âgisme est partout : dans nos institutions, nos médias, nos milieux de travail, nos relations et en nous. N’avez-vous pas remarqué que les aîné.e.s ont d’ailleurs surtout été dépeint.e.s de manière négative dans le discours médiatique durant la crise de la Covid-19.

Les chercheur.euse.s ont identifié quatre formes d’âgisme envers les personnes âgées :

  1. Hostile : paroles ou comportements délibérés et malveillants. Ex. l’expression « boomer remover » ou le discours durant la pandémie qui sous-entendait qu’il n’était pas nécessaire de prendre soin des aîné.e.s puisqu’ils.elles allaient mourir.
  2. Compassionnel : perceptions qu’elles sont vulnérables, fragiles, devant être prises en charge et incapables de prendre des décisions (forme plus subtile et infantilisante). Ex. prescrire d’emblée des exercices doux et de faible intensité aux personnes âgées ou exagérer les éloges envers les aîné.e.s qui pratiquent des activités physiques vigoureuses : « Oh wow, tu fais ça à ton âge ! ».
  3. Intergénérationnel : attitudes et comportements stéréotypés et discriminatoires des membres d’une génération envers les personnes âgées. Ex. croire que les boomers ne sont pas à l’aise avec les nouvelles technologies ou acceptent mal la diversité.
  4. Intragénérationnel : croyances et attitudes âgistes intériorisées par des personnes âgées, qui se distancent ou discriminent leurs confrères ou consœurs. Ex : les limites que les aîné.e.s s’imposent comme ne plus porter de vêtements ajustés ou ne plus faire du sport avec des plus jeunes par crainte de recevoir des commentaires négatifs.

Bien que les teintures capillaires aient commencé à être utilisées seulement en 1960 pour cacher les cheveux gris, ce serait maintenant 75% des femmes qui en feraient régulièrement usage, notamment dans l’espoir de paraître plus jeune.
À l’occasion de la Journée sans maquillage, je vous invite à prendre le temps de réfléchir à l’importance que vous accordez à l’apparence.

Que vous inspirent vos rides et vos cheveux gris ? Utilisez-vous certains moyens ou produits pour les camoufler et avoir l’air plus jeune ?

Un merci particulier à Cindy Laplante, nutritionniste et éditrice-rédactrice, pour sa contribution.

 

Références :
• Jackson, S. E., Hackett, R. A. et Steptoe, A. (2019). Associations between age discrimination and health and wellbeing: cross-sectional and prospective analysis of the English Longitudinal Study of Ageing. The Lancet Public Health, 4(4), e200‑e208. https://doi.org/10.1016/S2468-2667(19)30035-0
• La Grande interaction pour rompre l’âgisme. Rompre avec l’âgisme c’est d’abord le comprendre. https://rompreaveclagisme.ca/quest-ce-que-lagisme/
• Lagacé, M. (2013). Le visage changeant de l’âgisme? Réflexions critiques. Vie et vieillissement, 11(1), 25‑30.
• Najm, M. (2021). Rapport de stage de maîtrise – Âgisme et mode de vie physiquement actif. École de santé publique de l’Université de Montréal.
• Organisation mondiale de la Santé. L’âgisme, un enjeu mondial. https://www.who.int/fr/news/item/18-03-2021-ageism-is-a-global-challenge-un et https://www.who.int/fr/news-room/questions-and-answers/item/ageing-ageism
• Organisation mondiale de la Santé. Décennie pour le vieillissement en bonne santé : 2021-2030. https://www.who.int/fr/initiatives/decade-of-healthy-ageing
• The conversation. La pandémie de Covid-19 a aggravé l’âgisme dans notre société. https://theconversation.com/la-pandemie-de-covid-19-a-aggrave-lagisme-dans-notre-societe-168460

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