Rond, dodu, enrobé, corpulent, fort, pansu, rondelet, empâté, replet, tout en courbes ou en poignées d’amour… Les synonymes du mot « gros » sont nombreux et encore souvent préférés pour décrire notre propre corps ou celui des autres. Et si on se réappropriait ce mot qui n’a en réalité rien de gros?
« Gros : qui est plus large et plus gras que la moyenne », voici comment Le Robert définit ce terme. En d’autres mots, « gros » est un adjectif descriptif moralement neutre au même titre que « grand », « petit », « jeune », « âgé », « blond » ou « roux » pour ne mentionner que quelques exemples comparatifs. Alors, d’où vient la connotation péjorative qu’on prête à ce mot qu’on hésite encore trop souvent à employer pour décrire un corps humain, le percevant à tort comme un commentaire négatif, voire une forme d’insulte?
Pourquoi ce mot a-t-il une connotation négative?
Bien qu’il réfère tout simplement à la taille d’un objet, d’un concept ou d’un être humain, « il arrive qu’une connotation négative vienne teinter le mot “gros” lorsqu’il est associé à une personne, révèle Andrée-Ann Dufour Bouchard, nutritionniste et cheffe de projets chez ÉquiLibre. Beaucoup de gens éprouvent un certain malaise à prononcer ce mot. Comme si cet adjectif, lorsqu’on l’emploie pour définir un corps, devenait chargé de préjugés et qu’on devait alors l’utiliser avec précaution. Pourtant, il s’agit d’un terme descriptif comme un autre. Il peut même être perçu positivement selon le contexte, comme dans le cas d’un “gros salaire”, ou d’un “gros cadeau”! Ainsi, on pourrait se le réapproprier collectivement pour lui retirer son sens péjoratif. Ce serait une belle façon de faire un premier pas vers un monde plus inclusif! »
Un mot à apprivoiser
Si beaucoup d’activistes et de militant.e.s issu.e.s de la diversité corporelle – de même que des influenceur.euse.s, des mannequin.e.s et des spécialistes de la santé ayant suivi de près les mouvements Body Positivity et Fat Acceptance ces dernières années – se sont effectivement réapproprié le mot pour décrire quelqu’un avec un corps gros, son usage peut encore surprendre et faire réagir. « Tout le monde n’est pas encore prêt à utiliser cet adjectif. Certaines personnes peuvent être mal à l’aise face aux jugements de valeur qui leur viennent en tête quand elles pensent au mot “gros”, explique Andrée-Ann Dufour Bouchard. Dans tous les cas, je recommande deux choses avant d’employer ce terme pour parler d’une personne : 1) se demander s’il est nécessaire de mettre l’accent sur son poids; 2) sonder la personne pour savoir comment elle préfère qu’on la décrive ou la qualifie, s’il faut le faire. C’est toujours bien de prendre le temps de lui expliquer, avec respect et bienveillance, qu’on pensait au mot “gros” parce qu’il s’agit d’un simple terme descriptif et qu’on ne souhaite pas que le poids soit un tabou. Au contraire, il est important d’en parler pour changer les mentalités! » Cela dit, Andrée-Ann le confirme : plus on utilisera le mot « gros », en lui ôtant toute connotation négative, plus on se désensibilisera collectivement et plus on aidera à déconstruire les préjugés associés à cet adjectif qualificatif.
Et les autres mots comme « embonpoint », « en surpoids » et « obésité »?
En ce qui concerne ces termes , ils sont associés à l’indice de masse corporelle (IMC), une mesure qui détermine un niveau de risque de développer des problèmes de santé. C’est un très mauvais indicateur à l’échelle individuelle parce qu’il ne tient aucunement compte d’une multitude de facteurs autres que le poids qui influencent la santé (par exemple la localisation de la graisse, la génétique, les habitudes de vie, etc.). « Lorsqu’on utilise ces mots, c’est comme si on se permettait de juger l’état de santé d’une personne simplement en regardant son apparence physique alors qu’on ne sait rien de ses habitudes de vie ou de son histoire, affirme Andrée-Ann Dufour Bouchard. Il faut donc cesser d’associer poids élevé et mauvaise santé : c’est le nerf de la guerre pour combattre la grossophobie! »
Et vous, utilisez-vous le mot « gros »? Si non, comptez-vous commencer à le faire?
Ce billet de blogue est une collaboration spéciale dans le cadre de notre campagne La grossophobie, ça suffit! Découvrez notre websérie Le GROS talk-show qui déconstruit les mythes les plus populaires qui entretiennent la grossophobie. Plusieurs autres contenus sont également disponibles sur la page de la campagne et sur nos réseaux sociaux Facebook et Instagram.