Les lieux et les objets peuvent-ils être grossophobes ou stigmatisants?

Au cours des dernières années, de plus en plus de gens ont été sensibilisés à l’existence de la grossophobie et à ses conséquences négatives. L’idée selon laquelle le poids corporel n’est ni un gage de valeur morale ni un choix personnel fait tranquillement son chemin, et nous sommes globalement plus conscientisé.e.s à l’importance d’une approche respectueuse et inclusive.

Mais qu’en est-il de la grossophobie qui s’exprime non par les mots, les gestes et les attitudes, mais par l’environnement dans lequel nous vivons? Les lieux et les objets peuvent-ils être grossophobes ou stigmatisants?

Bien qu’il existe maintenant de nombreuses initiatives en faveur d’un monde plus inclusif, l’espace public est loin d’avoir reçu le mémo. Une personne grosse qui entreprend de travailler sur elle-même, de se reconstruire et de s’outiller pour faire face à la grossophobie devra tout de même se rendre au travail en métro, et le métro, comme de nombreux autres lieux, n’est tout simplement pas fait pour son corps.

« Je dois passer de côté dans les tourniquets du métro en soulevant mon ventre, nous raconte Anne*. Si je transporte des sacs ou que j’ai un gros manteau, il m’arrive de devoir emprunter la grande porte destinée aux personnes en fauteuil roulant. »

Dans l’autobus, elle devra prendre place sur un siège trop étroit pour elle, s’exposant aux regards irrités des autres usagers. Et une fois rendue au bureau?

« J’ai dû me battre durant des mois pour obtenir une chaise d’ordinateur qui n’avait pas d’accoudoirs qui s’enfonçaient dans mes cuisses, se souvient Carole*. J’allais chercher des chaises — dures, mais plus larges — dans la salle de conférence quand les bleus sur mes jambes étaient trop douloureux, et quelqu’un a porté plainte contre moi sous prétexte que je n’avais pas le droit de déplacer le matériel. »

En voiture, les personnes grosses doivent s’accommoder de ceintures de sécurité trop courtes ou mal ajustées, ce qui, outre l’inconfort, les met en danger en cas d’accident. Les sièges d’avion, universellement redoutés pour leur étroitesse, forcent certain.e.s à acheter deux billets dans l’espoir d’être confortablement installé.e.s et d’éviter le jugement de leurs voisin.e.s. Quel que soit le lieu public où elles se trouvent, les personnes grosses risquent de ne carrément pas pouvoir utiliser certaines installations. Parmi les situations les plus courantes, on retrouve les toilettes publiques, souvent très exiguës, les salles d’essayage et une multitude de sièges comme les banquettes, les chaises à accoudoirs, les tabourets, les chaises de plage, les petites chaises pliantes en bois, les chaises de patio en plastique moulé…

Les personnes grosses sont également limitées quand vient le temps d’obtenir un uniforme ou du matériel de protection au travail ou pour faire du sport, ainsi que dans la pratique d’une multitude de loisirs. Le kayak, le go-kart, les manèges au parc d’attractions et toute activité requérant le port d’une veste de flottaison peuvent être inaccessibles pour quiconque vit dans un corps plus gros. Il en va de même pour de nombreux équipements et services relatifs aux soins de santé.

« C’est très ironique, lance Nabila*, qu’on nous accuse sans cesse de ne pas prendre soin de notre santé, mais quand on consulte, très peu d’équipements sont adaptés à nos corps. Comment ça se fait qu’il existe aussi peu de jaquettes d’hôpital, de brassards de tensiomètre, de pèse-personnes, de tables d’opération, de machines IRM qui puissent nous accommoder? »

Ce genre de désagréments, qui pourrait sembler à première vue anodin, devient toutefois très lourd lorsqu’on y est confronté.e régulièrement, voire plusieurs fois par jour, dans toutes les sphères de la vie.

« Absolument partout où je vais, dit Julien*, je me heurte à un environnement conçu pour des corps plus petits que le mien. À la longue, ça devient très décourageant. Des fois, ça m’enlève carrément l’envie de sortir de chez moi. »

Ainsi, même en l’absence de commentaires grossophobes directs, le message véhiculé par ces multiples expériences demeure le même : notre monde n’est pas fait pour toi, tu n’es pas le ou la bienvenu.e ici. Faisant écho aux propos stigmatisants et aux discriminations quotidiennes, ces obstacles contribuent aux impacts négatifs de la grossophobie comme la détresse psychologique, l’isolement et l’anxiété sociale.

Heureusement, on peut faire une véritable différence dans la vie de nos proches gros ou grosses en les prenant tout simplement en considération. Vous invitez des ami.e.s à souper? Prévoyez des endroits confortables où tou.te.s pourront s’asseoir. Vous organisez une sortie au restaurant, une activité avec les collègues, un party de famille, des vacances au chalet? Assurez-vous que les installations, l’équipement et les lieux soient accessibles à tous les membres de votre groupe, ce faisant, vous éviterez aux personnes grosses de votre entourage de vivre une situation embarrassante qui viendrait s’ajouter à la stigmatisation qu’elles subissent ailleurs. Chaque petit geste compte dans la lutte pour un monde plus accueillant!

Ce billet de blogue est une collaboration spéciale dans le cadre de notre campagne La grossophobie, ça suffit! Plusieurs autres contenus sont disponibles sur la page de la campagne et sur nos réseaux sociaux Facebook et Instagram.

*Noms fictifs.

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