Les campagnes sur la diversité corporelle nuisent-elles à la prévention de l’obésité ?

Les campagnes sur la diversité corporelle nuisent-elles à la prévention de l’obésité ?

Récemment, une étude de l’Institut national de santé publique du Québec révélait que l’obésité coûte annuellement 1,5 milliard de dollars en soins de santé au Québec. Or, depuis quelques années, nous observons de plus en plus d’initiatives qui encouragent la diversité corporelle et l’acceptation de soi. La question se pose : ces campagnes ont-t-elles leur place alors qu’un adulte sur trois et que 25 % des jeunes souffre d’excès de poids?

Au Québec, 50 % des jeunes sont insatisfaits de leur image corporelle, alors que 70 % des femmes souhaitent maigrir. Dans notre société, les pressions pour se conformer à des idéaux de beauté et de minceur sont omniprésentes, si bien que le désir de contrôler sa silhouette est devenu une norme. « Devrions-nous nous réjouir de cette insatisfaction compte tenu de la haute prévalence de l’obésité? » demanderont certains.

 

L’insatisfaction corporelle : une étape menant aux saines habitudes de vie?

Le lien entre l’insatisfaction corporelle et l’adoption de saines habitudes de vie n’est pas clair. Rien n’indique toutefois que les personnes les plus insatisfaites de leur corps sont celles qui ont le plus de succès dans la modification des habitudes de vie. Nous savons par contre qu’au Québec, environ la moitié des jeunes sautent des repas dans le but de maigrir ou de contrôler leur poids, et que le quart d’entre eux jeûnent toute une journée pour les mêmes fins. L’insatisfaction corporelle est également associée à l’abandon de la pratique d’activités physiques, en particulier chez les filles. Selon plusieurs auteurs, les jeunes qui suivent des régimes ou qui utilisent d’autres méthodes de contrôle du poids seraient plus susceptibles de développer un surpoids en vieillissant. L’insatisfaction corporelle serait également associée à l’anxiété, la dépression et une faible estime de soi.

Nous pouvons donc conclure que dans plusieurs cas, l’insatisfaction corporelle peut faire obstacle à l’adoption de saines habitudes de vie, et au bien-être.

 

L’acceptation : un mot qui fait peur

Dans notre société, le corps est perçu comme quelque chose qu’il faut contrôler et façonner pour correspondre à des standards de beauté hautement valorisés. Le fait de s’accepter tel que l’on est va à contre-courant de la norme!

Pourtant, une certaine dose d’acceptation de son corps est bien nécessaire, si l’on ne veut pas passer le reste de notre vie à courir après des idéaux inatteignables. Si tout le monde dans notre famille a une forte carrure, il est irréaliste d’aspirer à une silhouette filiforme comme celle des mannequins!

« Oui, mais encourager des grosses personnes à s’accepter, n’est-ce pas les inciter au laisser-aller? », diront certains.

Et si à l’inverse, on se demandait ce qui arrivera si elles ne s’acceptent pas? L’acceptation de soi fait référence à la valeur qu’on s’accorde à soi-même, à l’amour-propre. Vu l’importance accordée à l’apparence dans notre société, la perception que nous avons de notre corps compte pour beaucoup dans l’acceptation et l’estime de soi. D’ailleurs, l’estime de soi est la première raison évoquée par les femmes qui veulent perdre du poids.

L’estime de soi est fondamentale car elle est à la base d’un respect essentiel de soi-même et des autres. Les personnes qui s’accordent de la valeur croient en leurs compétences, ont confiance en elles. La confiance en soi joue sur notre optimisme, notre énergie, notre joie de vivre!

 

Je vous pose donc la question : peut-on vraiment trop s’aimer?

Ou au contraire, est-ce que l’amour de soi est justement l’ingrédient manquant dans la recette pour amener chacun d’entre nous à trouver la motivation, le temps et la persévérance nécessaire pour véritablement changer nos habitudes de vie? Et si, comme le croient plusieurs auteurs et intervenants, l’acceptation de soi était un grand moteur de changement?

 

Agir au-delà du paradoxe

Il y a toujours eu, et il y aura toujours une diversité corporelle au sein de la population. Ce serait entrer en guerre contre la nature d’essayer de rendre tout le monde mince. Par ailleurs, la malbouffe et la sédentarité sont fortement répandues dans la population, et ne concernent pas uniquement les personnes en surpoids! Notre objectif ne devrait-il pas être que chaque personne, peu importe sa silhouette, adopte les meilleures habitudes de vie possible pour développer son plein potentiel de santé et de bien-être?

  • Pour ces femmes dont l’estime de soi est à zéro et la santé hypothéquée à cause du yoyo des régimes.
  • Pour ces fillettes qui déjà à 9 ans, se trouvent trop grosses et pour ces jeunes filles mal dans leur peau qui abandonnent la pratique d’activités physiques.
  • Pour ces garçons maigrichons (ou obèses) qui subissent de l’intimidation dans le vestiaire et pour ces hommes qui mettent leur santé à risques en ingurgitant toutes sortes de produits pour gonfler leur masse musculaire.
  • Et enfin, pour tous ceux pour qui manger sainement et bouger ne sont plus synonymes de plaisir mais plutôt une corvée qu’on s’impose dans l’unique but de façonner notre silhouette…

Nous devons remettre en question le modèle unique de beauté de notre société !

Et peut-être qu’alors, nous réussirons à changer le regard qu’ils posent sur eux-mêmes tout comme celui que nous posons sur nous. Il faut l’admettre, nous en avons bien besoin!

Références :

Institut national de santé publique (2015). Les conséquences économiques associées à l’obésité et à l’embonpoint au Québec : les coûts liés à l’hospitalisation et aux consultations médicales.

Statistique Canada, Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes, cycle 2.2, Nutrition (2004).

Cazale, L., Paquette, M.-C. et Bernèche, F. (2012). Poids, apparence corporelle et actions à l’égard du poids, dans, L’Enquête québécoise sur la santé des jeunes du secondaire 2010-2011. Le visage des jeunes d’aujourd’hui : leur santé physique et leurs habitudes de vie. Tome 1, Québec, Institut de la statistique du Québec, p. 119-145.

Les Producteurs laitiers du Canada, sondage Ipsos Reid, 2008.

CHEVAL, S., Monastès, J-L., Villatte, M., Pleine conscience et acceptation : Accepter son apparence physique: apports de l’acceptation dans les problématiques d’image corporelle, Chap.7, (207-232), Groupe de boeck, 2011

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