Grossesse minceur ?

Grossesse minceur ?

Depuis environ un an, on entend beaucoup parler des problèmes d’image corporelle pendant la grossesse. Les mamans taille zéro ou mommyrexiques, comme les ont nommés certains experts, ont su capter l’attention des journalistes et du public. Notre société doit désormais composer avec une nouvelle réalité : sans nécessairement souffrir de troubles alimentaires, un nombre grandissant de femmes vivent leur grossesse avec la peur de grossir.

Selon une étude, 37% des femmes dont le gain de poids pendant la grossesse respecte les recommandations auraient peur d’être grosses à la fin de leur grossesse.  Le même auteur rapporte que 21% des femmes adoptent au moins un des comportements suivants au cours de la grossesse : ne pas manger avant un suivi de grossesse, contrôler son poids pour ne pas paraître enceinte dans les premiers stades de la grossesse ou essayer de stopper sa prise de poids lorsque l’on sent qu’on en a trop pris le mois précédent.

Selon d’autres auteurs, l’insatisfaction corporelle vécue pendant la grossesse serait liée à plusieurs comportements qui pourraient nuire à la santé et au développement de la mère et du bébé comme le tabagisme, les diètes restrictives ou l’abandon précoce de l’allaitement.

De nouveaux standards de beauté spécifiques à la grossesse

Les pressions sociales pour se conformer aux idéaux de beauté de notre société ne datent pas d’hier. Mais au cours des dernières années, c’est comme si un microclimat pro-minceur s’était installé autour de la femme enceinte. Celle-ci se trouve alors exposée à de nouveaux standards de beauté, spécifiques à sa condition. Son bedon doit être bien rond, et sa prise de poids localisée à cet unique endroit sur son corps. Idéalement, les gens devraient ignorer qu’elle est enceinte lorsqu’elle est vue de dos…

Ces idéaux de beauté sont largement véhiculés par les vedettes hollywoodiennes, dont les grossesses sont suivies de près par le star-système. Ces mêmes vedettes font la première page des magazines quelques semaines après leur accouchement, exhibant leur corps sculpté, en bikini à cordons! Il suffit généralement d’acheter le fameux magazine pour en savoir plus sur la diète stricte et le programme d’entraînement intense auquel elles se sont soumises pour en arriver à ce résultat.

L’obsession de notre société à valoriser la performance va désormais jusque-là : on ne peut plus simplement vivre notre grossesse, il faut la contrôler! Une amie clinicienne disait, avec beaucoup de sagesse : « Si cela nous a pris 9 mois pour prendre ce poids, il est irréaliste de penser qu’on peut le perdre en quelques semaines! ».

 

Le pouvoir des mots

Lorsque j’ai vécu ma première grossesse il y a une dizaine d’années, j’ai été frappée de voir à quel point on me parlait constamment de mon poids.  Membres de mon entourage ou étrangers rencontrés au centre commercial me félicitaient de ne pas avoir pris trop de poids. Après mon accouchement, on me félicitait d’avoir rapidement retrouvé ma taille, en faisant allusion aux femmes qui se laissent aller après une grossesse et qui ne se prennent pas en mains. Comme chacun sait, s’il y a un moment dans la vie où on a le loisir d’être paresseuse, c’est bien après un accouchement (!).

Pourtant, j’ai vécu une grossesse tout ce qu’il y a de plus normal, même que ma prise de poids tendait plus vers le maximum recommandé que le minimum. Mais pourquoi alors me parlait-on constamment de mon poids? N’y aurait-il pas d’autres sujets plus pertinents à aborder avec une personne qui traverse ce qui sera sans nul doute l’une des étapes les plus importantes de sa vie? Le bébé et le lien d’attachement qui se développera entre lui et sa mère ne devraient-ils pas primer sur des considérations esthétiques?

S’il est vrai que les images de beauté projetées par les médias jouent un rôle important, elles ne sont pas les seules en cause dans le phénomène. On oublie trop souvent que nous contribuons tous à renforcer la norme sociale, par nos gestes et nos paroles.

 

Quelque chose à garder en tête lorsque vous croiserez les belles bedaines que le printemps nous apporte chaque année!

 

 

Références :

DiPietro JA, Millet S, Costigan KA, et al. (2003). Psychosocial influences on weight gain attitudes and behaviors during pregnancy. Journal of the American Dietetic Association 103(10): 1314–1319.

Fuller-Tyszkiewicz M, Skouteris H, Watson BE and Briony Hill (2013). Body dissatisfaction during pregnancy: A systematic review of cross-sectional and prospective correlates. J Health Psychol.  18(11) 1411–1421.

Johnston-Robledo I et V Fred (2008). Selfobjectification and lower income pregnant women’s breastfeeding attitudes. Journal of Applied Social Psychology 38(1): 1–21.

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